
Tum genuit, populisque nouis, incognita serpens,
Terror eras…. *
Où l’on apprend qu’aux origines, la Terre enfantait d’elle-même animaux et créatures monstrueuses autochtones ; où l’on découvre les origines de Python, première victime du carquois du jeune Apollon ; où l’on observe enfin une approche de la génération fondée sur une union du feu et de l’eau qui aurait toute sa place dans la Psychanalyse du feu de Gaston Bachelard. Suivons Ovide, « inspiré par son génie », sur les pentes d’une montage émergée des eaux du Déluge….
« Spontanément la terre engendra d’autres animaux de formes diverses,
lorsque l’humidité ancienne se fut évaporée sous le feu du soleil,
lorsque sous l’effet de la chaleur la fange et les marais humides
se gonflèrent et lorsque les semences fécondes des choses,
nourries dans le sol vivifiant, comme dans le sein d’une mère,
eurent grandi et pris avec le temps un certain aspect.
Ainsi, quand le Nil aux sept bouches a quitté
les champs détrempés et rendu ses flots à leur ancien lit,
quand le limon récent est devenu brûlant sous l’astre céleste,
les cultivateurs découvrent une foule d’animaux en retournant la terre ;
certains, à peine ébauchés, leur apparaissent dès leur naissance ;
d’autres, inachevés, sont privés d’une partie de leurs organes ;
souvent, dans le même corps, une partie est vivante,
tandis que l’autre reste toujours de la terre informe.
En effet, dès qu’humidité et chaleur se sont mélangées,
il y a conception : tout naît de ces deux éléments,
et bien que feu et eau soient ennemis, la chaleur humide crée tout,
et la concorde en désaccord avec elle-même est apte à procréer.
Ainsi donc, lorsque la terre fangeuse, suite au récent déluge,
redevint brûlante sous l’intense chaleur du soleil rayonnant de l’éther,
elle produisit d’innombrables espèces : tantôt, elle leur rendit
leur figure première, tantôt elle créa des monstres nouveaux.
Sans le vouloir, en vérité, la Terre pourtant te procréa aussi alors,
énorme Python, ô serpent inconnu, terreur pour ces jeunes peuples,
tant était vaste l’espace que tu occupais sur la montagne.
Le dieu archer, qui jamais auparavant n’avait usé de telles armes,
si ce n’est contre les daims et les chevreuils en fuite,
vida presque son carquois, accabla le monstre de mille traits
et le tua : un noir venin s’écoula de ses blessures.
Et pour que le souvenir de son acte ne disparût pas avec le temps,
il institua des Jeux sacrés, des concours très fréquentés,
appelés Pythiques, du nom du serpent qu’il avait terrassé.
Là, les jeunes vainqueurs, à la lutte, à la course ou en char,
étaient honorés d’une couronne de feuilles de chêne ;
le laurier n’existait pas encore, et Phébus ceignait ses belles tempes
et sa longue chevelure de feuillages d’arbres de toutes sortes. »
*********
Traduction : Anne-Marie Boxus et Jacques Poucet, Bibliotheca Classica Selecta (BCS), à partir de l’édition de G. Lafaye dans la Collection des Universités de France (Ovide. Les Métamorphoses, 3 tomes, Paris, 1925-1930)
Illustration : Eugène Delacroix, « Apollon vainqueur du serpent Python », peinture centrale du plafond de la Galerie d’Apollon au Louvre, 1850 – 1851
* Traduction de la légende :
« Sans le vouloir, en vérité, la Terre pourtant te procréa aussi alors,
énorme Python, ô serpent inconnu, terreur pour ces jeunes peuples »…