« La ville entière fut remplie de cadavres » : massacres à Rome

Τοιαῦτα μὲν περὶ τὰς σφαγὰς ἐγίγνετο…*

Nous sommes en 43 avant J.-C., un an après l’assassinat de César. Antoine, Lépide et Octave, futur Auguste, s’accordent sur un partage du pouvoir surnommé second Triumvirat. Cet accord permet aux triumvirs de faire placarder dans Rome la liste de leurs ennemis respectifs à abattre : c’est la proscription. Sylla devenu tyran avait déjà ouvert la sinistre voie en -82 des confiscations de biens et des meurtres de citoyens romains. Une nouvelle fois, les meurtres arbitraires exécutés sans jugement reprennent au cœur de Rome, ciblant principalement les membres du Sénat favorables à la restauration de la République. Dotés de pouvoirs exceptionnels par la lex Titia, les triumvirs sont les commanditaires de violences que l’historien romain mais de langue grecque Dion Cassius décrit avec une horreur non dissimulée : toute piété, tout respect humain, toute mesure sont abandonnés, l’amitié est reniée, la pitié, foulée au pied. Un tableau remarquable des conséquences sanglantes et absurdes de la guerre civile.


« L’accord ainsi conclu et juré, ils se hâtèrent de marcher sur Rome, en apparence pour y commander avec une égale autorité, mais chacun avec la pensée de posséder seul le pouvoir, bien que des prodiges, auparavant très significatifs et alors encore très clairs, les eussent à l’avance instruits de ce qui devait arriver (…).

On était encore, pour ainsi dire, dans cette situation, lorsque les meurtres dont Sylla avait donné l’exemple par ses proscriptions se renouvelèrent, et la ville entière fut remplie de cadavres.

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« Il a tout subjugué, tout envahi » : Démosthène contre Philippe

 Ὁρᾶτε γάρ, ὦ ἄνδρες ᾿Αθηναῖοι, τὸ πρᾶγμα, οἷ προελήλυθ’ ἀσελγείας ἅνθρωπος…*

Amphipolis, Potidée, Méthone, la Thessalie, et pour un peu, les Thermopyles… Philippe de Macédoine ne cesse de conquérir, de menacer Athènes, de la priver de ses possessions, de se rapprocher de l’Attique. Le célèbre orateur Démosthène s’adresse aux Athéniens dès 351 av. J.-C., dans un discours extraordinaire aux accents patriotiques surnommé la Première Philippique, pour les faire renoncer à une paix illusoire avec Philippe et les pousser à prendre les armes. Se lançant ainsi dans un combat de près de 30 ans contre la Macédoine, qui se soldera par un échec politique et personnel, Démosthène met au cœur de son discours la nécessité de restructurer l’armée et la flotte, soumettant Athènes au choix de Thucydide : se reposer ou être libre.

« L’un d’entre vous, peut-être, pensant à cette nombreuse armée dont Philippe dispose, et à toutes les places qu’il a enlevées à la cité, le croira difficile à réduire : ce serait raisonner juste. Cependant, qu’il considère qu’autrefois Athènes avait sous son obéissance et Pydna, et Potidée, et Méthone, et le cercle entier de cette contrée ; que la plupart des peuples maintenant soumis à Philippe étaient libres, autonomes, et préféraient notre alliance à la sienne. Si donc alors Philippe se fût arrêté à ce raisonnement : « Seul, sans alliés, je ne puis attaquer les Athéniens, dont les nombreuses forteresses dominent mes frontières » ; non, ce qu’il a maintenant exécuté, il ne l’eût jamais entrepris ; non, il ne se fût pas élevé si haut. Mais il savait bien, lui, que toutes ces places sont des récompenses guerrières exposées au milieu de l’arène ; que naturellement les absents sont dépossédés par les présents, les indolents par les hommes hardis et infatigables.

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La Batrachomyomachie ou le combat des rats et des grenouilles

Jusqu’au XIXème siècle, les éditions des œuvres d’Homère ne se contentent pas de proposer au lecteur l’Iliade et l’Odyssée : elle font également figurer la Batrachomyomachie, qui fut longtemps considérée de la main du poète, malgré les doutes formulés par certains, dont Henri Estienne. Homère, auteur d’une épopée qui voit s’affronter des rats et des grenouilles ?… Ce combat parodique et fort drôle reprend les codes de la poésie épique et les détourne avec brio. Découvrez la raison d’une querelle dont les échos montent jusqu’à l’Olympe. Qui, des rats ou des grenouilles, l’emportera ?… Les paris sont ouverts.

Invocation aux Muses

« Muses, daignez abandonner les hauteurs de l’Hélicon, venez dans mon âme m’inspirer mes vers. Mes tablettes sont placées sur mes genoux, je vais apprendre à tous les hommes une grande querelle, ouvrage terrible du dieu Mars : comment les rats marchèrent contre les grenouilles, comment ils imitèrent dans leurs exploits ces mortels qui passent pour être les géants fils de la Terre.

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