La Pythie de Delphes et les secrets du destin de Rome

Quis latet hic superum? quod numen ab aethere pressum
dignatur caecas inclusum habitare cauernas?…*

Le Sénat romain, en exil, vient de choisir Pompée contre César : on se prépare au combat et à la guerre civile. Alors que les événements s’accélèrent et que l’affrontement menace, un certain Appius, quelque peu inquiet de l’issue de la guerre à venir et de son propre sort, force la  Sibylle de Delphes, Phémonoé, à rendre son oracle. Au beau milieu de son épopée réaliste, baroque et stoïcienne, Lucain insère un magnifique interlude qui nous emmène au cœur du sanctuaire le plus sacré de Grèce, voir la Pythie donner sa vie pour que la parole du dieu -forcément ambiguë- parvienne aux mortels qui osent la lui extorquer….

« Après l’assemblée, le sénat prend les armes ; et tandis que les peuples et les chefs se livrent au sort de la guerre, le timide Appius est le seul qui n’ose en courir les hasards. Appius, pour s’assurer des événements, consulte les dieux et se fait ouvrir le sanctuaire de l’oracle de Delphes, fermé depuis longtemps aux mortels.

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« Il est temps, Hécate…. »

…et triste laeua comparans sacrum manu
pestes uocat quascumque feruentis creat harena Libyae…*

Tremblez devant Médée la magicienne, invocatrice des forces infernales, emplie d’une « furor » qui noie sous des flots de haine et de rage la raison et la décence commune.

Après avoir aidé Jason, dont elle est tombée éperdument amoureuse, à s’emparer de la Toison d’or, Médée a fui avec son héros et les Argonautes à Corinthe, chez le roi Créon. Mais Jason l’abandonne, il va épouser Créuse, la fille de Créon. C’est bien mal connaître Médée, qui a quitté sa patrie, trompé son père et dépecé son jeune frère Absyrtos de ses propres mains pour favoriser la réussite de son amant, de croire qu’elle va accepter cette trahison sans « tout briser »…

Dans l’acte IV de l’extraordinaire Médée de Sénèque, la magicienne « déploie toute (la) puissance et toutes (les) ressources » de sa magie et en appelle à Hécate sous les yeux horrifiés de sa nourrice….

La nourrice

– Mon âme est saisie d’horreur et d’effroi ; un malheur affreux se prépare. Le courroux de Médée s’augmente et s’enflamme d’une manière effrayante, et ses fureurs passées renaissent. Je l’ai vue souvent, dans ses transports, attaquer les dieux, et forcer le ciel même à lui obéir ; mais ce qu’elle médite en ce moment doit être plus terrible encore et plus étrange : car à peine s’est-elle échappée d’ici, d’un pas furieux, pour se renfermer dans son funeste sanctuaire, qu’elle a déployé toute sa puissance, et mis en œuvre des secrets qu’elle-même avait toujours redoutés, et tout ce qu’elle connaît de maléfices cachés, mystérieux, inconnus.

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« Énorme Python, ô serpent inconnu… »

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Illa quidem nollet, sed te quoque, maxime Python,
Tum genuit, populisque nouis, incognita serpens,
Terror eras…. *

Où l’on apprend qu’aux origines, la Terre enfantait d’elle-même animaux et créatures monstrueuses autochtones ; où l’on découvre les origines de Python, première victime du carquois du jeune Apollon ; où l’on observe enfin une approche de la génération fondée sur une union du feu et de l’eau qui aurait toute sa place dans la Psychanalyse du feu de Gaston Bachelard. Suivons Ovide, « inspiré par son génie », sur les pentes d’une montage émergée des eaux du Déluge….

« Spontanément la terre engendra d’autres animaux de formes diverses,

lorsque l’humidité ancienne se fut évaporée sous le feu du soleil,

lorsque sous l’effet de la chaleur la fange et les marais humides

se gonflèrent et lorsque les semences fécondes des choses,

nourries dans le sol vivifiant, comme dans le sein d’une mère,

eurent grandi et pris avec le temps un certain aspect.

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