
Vivre de sa plume n’est pas donné à tous. Le poète romain Martial, originaire de la petite ville de Bilbilis en Tarraconaise, ne contredirait pas cette triste banalité, lui qui, dans la préface de ses Épigrammes, dresse son autobiographie sous le signe de la pauvreté, de la faim, et de l’obligation de se faire le flatteur, voire le parasite des riches et des puissants pour survivre, alors même que tout Rome le connaît et apprécie ses bons mots – à l’exception de ceux qu’ils visent… Martial justifie ainsi – pour faire passer la pilule parfois amère de ses vers?…. – la nouvelle tendance de sa poésie à brocarder avec cynisme et dérision « la belle société romaine », dont il fait la « chronique scandaleuse » avec un mordant toujours aussi délicieux malgré le passage des siècles. Moralité: mécènes, soutenez les poètes !
« Triste métier que la poésie ! flatter ceux qu’on méprise, insulter ceux qu’on redoute, haïr tout haut ou tout bas ; et tout cela pour mourir de faim ! Parmi les neuf chastes Sœurs (1), pas une ne donne la richesse ; Phébus est un pauvre glorieux ; Bacchus n’a que du lierre à vous offrir ; Minerve, un peu de sagesse ; l’Hélicon, ses froides eaux, ses pâles fleurs, les lyres de ses déesses et des applaudissements stériles ; le Permesse (2), une ombre vaine comme la gloire.
Ô malheur ! ce poète venu de si loin, tout rempli d’amour et d’enthousiasme, jeune, passionné, l’enfant de Pindare, l’élève d’Horace et d’Ovide, l’écho sonore de l’école athénienne, Martial de Bilbilis, la misère le reçoit aux portes de Rome, la misère est son seul esclave !
Lire la Suite