« Sa vie s’enfuit chez les ombres » : la mort de Camille

Vitaque cum gemitu fugit indignata sub umbras*

Camille, fille du roi des Volsques Metabus, est une guerrière si adroite et si rapide qu’elle « court sur les épis de blé sans qu’ils courbent la tête ». Elle s’allie avec Turnus, roi des Rutules, contre Énée qui tente de s’installer dans le Latium suite à son départ de Troie. Alors que le combat est bien engagé, Camille est soudain distraite par les armes ornées d’or du prêtre Chlorée. Arruns profite de cette faiblesse passagère pour lancer son javelot sur la jeune femme…. La mort de Camille, proche par bien des traits d’autres morts féminines glorieuses comme celle de Penthésilée, est l’un des passages les plus émouvants de l’épopée virgilienne.

« Alors justement, Chlorée, depuis longtemps prêtre de Cybèle,

attirait de loin les regards par l’éclat de ses armes phrygiennes.

Il montait un cheval écumant, couvert, comme d’un plumage,

d’une peau ornée de mailles de bronze cousues de fil d’or.

Lire la Suite

Les roches errantes

Tempête,_côtes_de_Belle-Île_-_Claude
 Ἀλλ’ ὅτε πέτρας Πληγάδας ἐξέπλωμεν, ὀίομαι οὐκ ἔτ’ ὀπίσσω ἔσσεσθαι τοιόνδ’ ἕτερον φόβον… *

Les Symplégades, en grec αἱ Συμπληγάδες (πέτραι), « (rochers) qui s’entrechoquent », désignaient deux falaises à l’entrée du Bosphore. Ces « îles Cyanées » (d’un bleu sombre) empêchaient la navigation… jusqu’à l’arrivée de Jason, en quête de la Toison d’or sur son navire Argo. Ces « roches errantes » selon les mots d’Homère sont décrites en détail par Apollonios de Rhodes dans ses Argonautiques. Apollonios, éminent érudit disciple de Callimaque et successeur de Zénodote au rang de directeur de la Bibliothèque d’Alexandrie au IIIe siècle, nous dépeint une tempête des plus étranges, où les rochers comme le navire semblent doués d’une vie propre, et où c’est une colombe qui permet aux héros de se sortir d’affaire… et de domestiquer définitivement ces rochers sauvages. 

« Les héros étaient parvenus dans le passage tortueux, à la partie étroite, resserrée des deux côtés entre les pointes des écueils ; un courant tourbillonnant prenait par-dessous et soulevait le navire en marche ; c’est avec une grande peur qu’ils naviguaient plus avant.

Lire la Suite

La Batrachomyomachie ou le combat des rats et des grenouilles

Jusqu’au XIXème siècle, les éditions des œuvres d’Homère ne se contentent pas de proposer au lecteur l’Iliade et l’Odyssée : elle font également figurer la Batrachomyomachie, qui fut longtemps considérée de la main du poète, malgré les doutes formulés par certains, dont Henri Estienne. Homère, auteur d’une épopée qui voit s’affronter des rats et des grenouilles ?… Ce combat parodique et fort drôle reprend les codes de la poésie épique et les détourne avec brio. Découvrez la raison d’une querelle dont les échos montent jusqu’à l’Olympe. Qui, des rats ou des grenouilles, l’emportera ?… Les paris sont ouverts.

Invocation aux Muses

« Muses, daignez abandonner les hauteurs de l’Hélicon, venez dans mon âme m’inspirer mes vers. Mes tablettes sont placées sur mes genoux, je vais apprendre à tous les hommes une grande querelle, ouvrage terrible du dieu Mars : comment les rats marchèrent contre les grenouilles, comment ils imitèrent dans leurs exploits ces mortels qui passent pour être les géants fils de la Terre.

Lire la Suite