Aphrodite « compagnon de combat »

σὺ δ’ αὔτα
σύμμαχος ἔσσο…*

« Merveille du lyrisme grec », dont nous ne possédons plus que quelques fragments d’une oeuvre originellement de 9 volumes, Saphô de Lesbos incarne à elle seule la figure de la poétesse inspirée. Son ode à Aphrodite, en strophes dites sapphiques, seule oeuvre qui nous soit parvenue complète, est une invocation à la déesse de l’amour, non sur le ton de l’élégie, mais sur un ton guerrier : l’aimée aimera en retour, « qu’elle le veuille ou non » ! Aphrodite est le « compagnon d’armes » (traduction exacte du grec summachos) de Saphô dans ce qui s’apparente à une lutte pour l’amour…

A Aphrodite
 
 Aphrodite, fille de Dieu,
 Ô tisseuse immortelle au trône étincelant,
 Ne laisse pas mon cœur, écoutes-en mon vœu,
 Ô Reine, s'affliger sur les dégoûts pesants.  
Lire la Suite

Ce que vivent les roses…

Quam longa una dies, aetas tam longa rosarum

Le poncif poétique de la rose éphémère, symbole d’une fragile jeunesse et de l’amour, n’est pas né d’hier : Ausone (Decimus Magnus Ausonius), homme de lettres et homme politique du Bas-Empire (IVème siècle), qui vécut près de Bordeaux et fut considéré comme l’un des premiers poètes de langue latine en France, y consacre dans son recueil des Idylles un texte à mi-chemin entre poésie et anecdote, qui renouvelle ce qui était d’ores et déjà un cliché. Car d’Homère à Stace, les poètes n’ont jamais renoncé à évoquer la rose et sa beauté, déjà glorifiées par Sappho : « Si Jupiter voulait donner une reine aux fleurs, la rose serait la reine de toutes les fleurs. Elle est l’ornement de la terre, la plus belle des plantes, l’œil des fleurs, l’émail des prairies, une beauté toujours suave et éclatante ; elle exhale l’amour, attire et fixe Vénus (…) ». Cette ode inspira directement Ronsard…

« C’était au printemps : la douce haleine du matin et sa piquante fraîcheur annonçaient le retour doré du jour. La brise froide encore, qui précédait les coursiers de l’Aurore, invitait à devancer les feux du soleil. J’errais par les sentiers et les carrés arrosés d’un jardin, dans l’espoir de me ranimer aux émanations du matin. Je vis la bruine peser suspendue sur les herbes couchées, ou retenue sur la tige des légumes ; et, sur les larges feuilles du chou, se jouer les gouttes rondes et lourdes encore de cette eau céleste. Je vis les riants rosiers que cultive Paestum (1) briller humides au nouveau lever de Lucifer (2).

Lire la Suite

Du sublime

Φύσει γάρ πως ὑπὸ τάληθοῦς ὕψους ἐπαίρεταί τε ἡμῶν ἡ ψυχή…

Du sublime, plus encore qu’un traité de critique littéraire, est une merveilleuse anthologie du sublime dans l’art. Longin (ou plus probablement un anonyme du IIè ou IIIè siècle) y analyse les critères de la grandeur : est élevé, ou sublime, un discours qui ne se contente pas d’user des artifices de la rhétorique, mais qui révèle en écho la grandeur d’âme de son auteur. C’est ici peut-être la première fois que « l’universalité est revendiquée comme critère esthétique » (Jackie Pigeaud) : est sublime ce qui peut tous nous émouvoir, en tous temps et en tous lieux. L’analyse d’un poème de Sappho nous en propose une démonstration…

« Car, par nature en quelque sorte, sous l’effet du véritable sublime, notre âme s’élève, et, atteignant de fiers sommets, s’emplit de joie et d’exaltation, comme si elle avait enfanté elle-même ce qu’elle avait entendu.

Lire la Suite