Qui de plus mal vu que le parasite, que le pique-assiette, qui profite de la table d’autrui sans le rémunérer autrement qu’en bouffonneries et flatteries ? N’est-il qu’un rebut de la société, qui doit être absolument rejeté par les honnêtes gens ? Non, répond Lucien, bien au contraire : le parasite, plus que le héros ou le philosophe, mène une vie agréable, ne commet pas de méfait, ne verse dans aucune passion, ne se commet pas en politique, n’a peur et ne manque de rien, jouit de la vie… le plus souvent à table. Bref, sans crainte ni reproche, de sa naissance à sa mort, le parasite est une incarnation de la vie bonne. On suspectera à juste titre une ironie mordante dans cet écrit satirique de Lucien, qui, pastichant Platon, Hésiode et tant d’autres, fait du parasite, figure bien connue de la société et de la littérature grecques, un repoussoir pour mieux brocarder son prochain. Alors, en ces temps de fêtes et de tablées abondantes, ne rejetons pas le parasite, qui a peut-être quelque chose à nous apprendre…
« LE PARASITE. Le parasite ne se rencontre jamais sur l’agora ni aux tribunaux ; tous ces endroits-là, j’imagine, conviennent plutôt aux sycophantes (1) : la sagesse et la modération y sont inconnues. Quant aux palestres (2), aux gymnases et aux festins, il les fréquente et en fait l’ornement. Or, voyez dans une palestre un philosophe ou un orateur dépouillé de ses vêtements ; mérite-t-il d’être comparé à un parasite pour la beauté du corps ? Est-il un d’eux qui, paraissant dans un gymnase, ne soit pas la honte du lieu ? Jamais philosophe, dans une garenne, n’osera tenir tête à une bête sauvage qui vient à sa rencontre; le parasite les attend toutes de pied ferme, il les reçoit sans crainte : il est accoutumé à les braver dans les festins.
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