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Pour guérir de nombreux maux et poisons, quoi de mieux qu’un antidote composé de très nombreux remèdes? Voici le plus célèbre antidote de toute l’Antiquité : la thériaque.

Le nom « thériaque » signifie en grec « relatif aux bêtes sauvages » (ὁ θήρ), et de fait… l’un des trois ingrédients de base de la thériaque, outre le miel et l’opium, est la chair de vipère!

C’est Nicandros de Colophon (vers 275 avant J.-C.), médecin auprès du roi de Pergame, Attale, qui aurait inventé la thériaque ; mais c’est surtout grâce à Mithridate VI Eupator, roi du Pont (132-63 avant J.-C.) que la thériaque est née. Mithridate recherchait l’antidote universel, allant jusqu’à tester ses tentatives sur de malheureux prisonniers… C’est ainsi que la thériaque, connue comme Theriaca Mithridaticum ou Antidotum Mithridaticum, a été crée. Elle était composée de 54 poisons et antidotes d’origine minérale, animale et végétale. Andromaque, le médecin de l’empereur Néron, hérite de la recette, et l’améliore : elle comprend alors 64 ingrédients. La Thériaque à Pison, traité faussement attribué à Galien, le médecin de Marc-Aurèle, nous fournit des informations précises sur sa préparation, en particulier sur la façon de sélectionner et préparer les vipères.

Notez que cet antidote aux propriétés extraordinaires a figuré en bonne place dans la pharmacopée arabe, puis européenne, et n’a disparu de la pharmacopée française qu’en 1885!

«  Sur les vipères. Ensuite, après cela, il faut prendre les vipères elles-mêmes, en nombre suffisant pour la quantité de toute la préparation, que l’on aura chassées non pas en toute saison, mais de préférence au début du printemps, quand les bêtes  cessent d’hiberner et pour finir s’aventurent au dehors vers les lieux découverts, et ne possèdent plus de venin aussi virulent. En effet, du fait qu’elles hibernent dans leur tanière et qu’elles n’éliminent en aucune manière, elles concentrent de façon plus virulente la faculté destructrice qui est en elles, au moment même où tout serpent a l’habitude de se débarrasser de ce que l’on appelle la mue qui est une enveloppe très épaisse, produite pendant la durée de l’hibernation, formant une mue sous l’effet de la durée de l’hibernation bien plus que sous celui de l’âge de l’animal. C’est pourquoi, il ne faut pas les capturer immédiatement, mais les laisser un petit peu de temps profiter de l’air et se repaître de leur nourriture habituelle. (…)

Que les bêtes soient jaunâtres, qu’elles bougent tout à fait bien, et surtout qu’elles tendent le cou, qu’elles aient des yeux rougeâtres et intrépides, avec un regard féroce, qu’elles aient la tête plus large, ainsi que tout le corps et en particulier le ventre plus arrondi, qu’elles aient le rectum plutôt à l’extrémité de la queue, et que la queue ne soit pas enroulée, mais il faut que les bêtes soient plutôt ramassées sur elles-mêmes et qu’elles se déplacent tranquillement. (…) Et de fait, après les avoir capturées en cette saison, il faut d’abord leur couper la tête et la queue, en pratiquant une coupe de la longueur de quatre doigts. Et je recommande aussi, lors de la coupe, de considérer exactement ces parties pour voir si, immédiatement après la coupe, les animaux paraissent exsangues, inertes et tout à fait morts. Si, de fait, tu trouves les bêtes en tel état, estime qu’elles sont impropres à entrer dans le mélange du médicament. Mais si tu vois qu’après la coupe de ces parties, un mouvement quelconque persiste en elles et qu’elles sont capables de conserver leur sang quelque temps, alors celles-là, parce qu’elles sont excellentes, mélange-les à la préparation de l’antidote ; de fait, elles possèdent visiblement une faculté salvatrice non pas affaiblie mais vigoureuse.

Ensuite, après cela, dépouille les exactement de toute leur peau, retire également la graisse vu qu’elle est inutile et tous les viscères  car ce sont des réceptacles de résidus  ; et après cela, jette-les pour finir dans un vase en terre cuite d’excellente fabrication ou dans un chaudron bien étamé, que l’on place sur des charbons brûlants, afin de réaliser leur cuisson sans odeur. Les faire cuire dans de l’eau de source et y ajouter du sel neuf avec des brins d’aneth, non sec, de taille moyenne. Ensuite, quand les chairs ont bien cuit (mets un terme à la cuisson quand les épines se sont détachées des chairs des bêtes), alors retire le chaudron du feu et sépare exactement les chairs des épines; hache-les menu  et mélange-les à du pain le plus pur possible, fabriqué à partir de la fleur de farine la plus pure, dont tu auras pris la quantité adaptée à la confection des pastilles, comme le recommande Andromaque (…) Ensuite, verse ce qu’il faut de jus et ainsi confectionne des trochisques [pastilles] de taille moyenne, en t’enduisant les doigts d’un peu d’opobalsamum pendant leur confection, et dépose-les à l’ombre où tu les conserveras pour préparer l’intégralité du médicament ».

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Extrait de Thériaque à Pison, Galien, coll. Budé, Belles-Lettres, traduction de Véronique Boudon-Millot, pages 65-68.

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