
Cette statuette, une terre cuite d’environ 30 cm, est la première représentation d’un Centaure dans l’art plastique grec. Retrouvée dans la nécropole de Lefkandi (Eubée), elle daterait d’environ 925-900 av. J.C.
Elle s’inscrit donc dans une époque de transition de la sculpture grecque : la période mycénienne vient de s’achever, la période géométrique s’ouvre. Très en avance sur son temps, elle évoque un personnage mythologique bien connu : le Centaure.
Dans la mythologie grecque, les Centaures (Kentauros en grec) sont des créatures mi-hommes mi-chevaux, vivant dans les montagnes de Thessalie et d’Arcadie. Ils seraient les fils d’Ixion, le roi des Lapithes. Ils mènent un célèbre combat, la centauromachie, contre ces derniers, et après leur défaite, se retrouvent chassés du mont Pélion (Thessalie). Bien plus tard dans l’art grec, ils seront représentés tirant le char de Dionysos ou chevauchés par Éros : on comprendra que l’ivresse et l’amour sont leurs occupations principales.
Pourtant notre Centaure de Lefkandi pourrait représenter non pas n’importe quel vulgaire Centaure, mais Chiron, issu d’une autre lignée puisqu’il est fils de Cronos et de l’Océanide Philyra. Le plus sage et le plus instruit des Centaures, Chiron vivait dans une grotte du mont Pélion, la demeure originelle des Centaures. Il était connu pour ses talents de guérisseur, de musicien, ou encore de prophète, et ses élèves les plus illustres furent Héraclès, Achille (à qui il donna sa lance magique) et Esculape.
La petite statuette aux motifs propres à la période géométrique compte en effet une entaille à son genou antérieur gauche : serait-ce une allusion à la blessure que lui infligea Héraclès, et qui lui fut fatale ? Bien qu’il soit difficile de l’affirmer – elle a pu être infligée postérieurement et non voulue par le céramiste, cette simple entaille ouvre le champ à l’imaginaire, qui peut y voir un signe tragique, celui de la flèche empoisonnée d’Héraclès….
Vous en saurez bientôt davantage sur la mort et le catastérisme de Chiron.
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Le Centaure de Lefkandi est conservée au musée archéologique d’Erétrie.
Pour en savoir plus, lire l’analyse de Bernard Holtzmann, dans le classique La Sculpture grecque, Le Livre de poche, 2010, p. 110 sqq.
* Traduction de la légende : « C’est un être hybride, mélange d’homme et de cheval fauve… »